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"Ceci n'est pas une poupée"
MDVANII AU MUDAC ET AU MUSEE DE L'ELYSEE - LAUSANNE 2006-2007
BILLYBOY* & LALA AU MUDAC
L’univers des créateurs de Mdvanii est ouvert et généreux. L’installation qu’ils ont conçue pour les deux salles du mudac orchestre de manière très précise les diverses facettes de la personnalité de cette sculpture, ses revendications, ses allégories, ses couleurs, la préciosité de ses tenues, en un mot, son « style ». L’environnement coloré, ponctué de tableaux et dessins cernés de noir, sert d’écrin à cette tribu de personnages qui remettent en cause les clichés de la mode et ses dérivés
Au Musée de l’Elysée, Mdvanii échappe à sa réalité physique. La photographie lui donne la liberté de voyager dans le temps et dans l’espace. Elle s’affranchit aussi de sa dimension de poupée car dans les images, elle apparaît à l’échelle humaine.
Pure création, mais consciente de son passé et de son histoire, Mdvanii habite le lieu. Lui rendre visite nous permet d’entrer dans un univers, non pas de poupées, mais bien d’adultes. Il est troublant de constater que même si le rapport de taille entre les figures et le spectateur nous ramène au monde de l’enfance, la scène qui s’offre à nous est bien liée à notre vie imaginaire d’adulte, elle oblige le regard à se concentrer sur l’infinité des détails qui la composent, elle oriente notre appréciation vers l’histoire qu’elle nous raconte, elle relance la curiosité sur cet étrange double qu’elle symbolise et qu’elle libère.
Chantal Prod'Hom
Directrice du mudac, novembre 2006.
AU MUSEE PHOTOGRAPHIQUE DE L'ELYSEE
Ceci est une exposition dont le sujet n’est pas une poupée. Ou plutôt, ceci est une exposition dont le sujet est une poupée qui n’est pas une poupée… Comment est-ce possible ? Comment ne pas accorder à ce magnifique objet, cette Mdvanii, le statut auquel elle semble avoir droit ? Exprimé différemment, et plus simplement : quand une poupée n’est-elle pas une poupée ?
Une partie de la réponse se trouve dans l’esprit de ses créateurs : BillyBoy* et Lala, deux artistes aux carrières distinctes, mais qui se rejoignent. Une autre partie de la réponse se trouve dans l’histoire de l’art. En fait, nous pourrions nous rappeler que l’histoire pourrait commencer à partir de la Vénus de Willendorf, il y a quelques trente mille ans. Et à en juger par le don d’ubiquité des poupées et de ce qui s’en approche plastiquement dans l’art d’aujourd’hui, cet intérêt n’a jamais faibli.
Pour le mudac, présenter les travaux de Billy Boy* et de Lala permet de faire converger un riche faisceau d’intérêts : sculptures, peintures, dessins, stylisme, miniaturisation, figuration, abstraction et… design, alors que pour le Musée de l’Elysée, le monde de Mdvanii se concentre sur les deux dimensions, en noir et blanc ou en couleur.
Pour la plupart des gens, pourtant, le mot « poupée » évoque d’abord l’idée d’un jouet pour enfant, et plus particulièrement pour petite fille. Mais les artistes utilisent depuis très longtemps les poupées comme des vecteurs pour des idées qui n’ont rien à voir avec la définition première du mot. Bien au contraire : la figure (ou l’objet) de la poupée a été et est utilisée pour exprimer et transmettre des idées sans aucun rapport avec l’innocence supposée de l’enfance – il suffit de se rappeler les visions torturées de Hans Bellmer, dont les poupées étaient démembrées et remembrées de façon brutale.
Au-delà de la simple équation poupée = jouet, un panorama immense et extrêmement riche en chefs-d’œuvre de toutes sortes se présente sous nos yeux. La période moderniste de la peinture et de la sculpture nous a légué les oeuvres, toutes centrées sur la poupée, de Josef Albers, Max Ernst, Claude Cahun, René Magritte, Joseph Cornell, Hannah Höch, ainsi que celles d’une foule de futuristes et de surréalistes pour lesquels la poupée était souvent, et ceci à la limite de l’obsession, une plateforme indispensable. Les années d’après guerre récupérèrent le thème, et le développèrent – les stores fenêtres extraordinaires des années 1960 d’Andy Warhol par exemple qui juxtaposaient des poupées mannequins avec des bandelettes provenant de bandes dessinées ; les tables quasiment obscènes de Allen Jones ; les déesses pseudo dirigeables de Niki de Saint Phalle ; les mutants bicéphales de Jake et Dinos Chapman, etc
La photographie se révèle aussi extraordinairement riche dans ce domaine : dès les années 1920 et 1930, nous retrouvons des poupées à la charnière des œuvres d’Erwin Blumenfeld, George Hoyningen-Huene, Horst P. Horst, Georges Hugnet, Man Ray, Umbo, Herbert Bayer, Herbert List, Werner Rohde, et plus récemment de Cindy Sherman, David Levinthal, Inez van Lamsweerde, Laurie Simmons, Aziz + Cucher, etc… A se demander si trouver un photographe n’ayant jamais photographié une poupée ou un substitut de poupée ne relève pas d’une tâche impossible. Ce que toutes les œuvres que nous venons de citer - qu’elles soient des photographies ou non - ont en commun, c’est la poupée en tant que support de communication/recherches sur des sujets tabous tels la sexualité, le genre humain, la violence, la mort, qui remettent de plus en plus en question le statut futur du corps humain (robot, cyborg, répliquant, avatar, etc.).
Peu d’artistes et de photographes façonnent leurs poupées. Ce fait les distingue de BillyBoy* et de Lala pour lesquels Mdvanii est une œuvre d’art totale qui fusionne le sens traditionnel de la poupée avec une idiosyncrasie particulièrement développée pour ce qui touche la mode (tant la haute couture que la mode populaire), la sexualité, l’identité, le commerce, la sculpture, la peinture, la photographie et le monde du spectacle.
Mdvanii a été conçue par les artistes, façonnée du début à la fin (il faut relever le soin extraordinaire apporté à sa réalisation), habillée (ou déshabillée), arrangée, présentée et photographiée par eux. Voilà pourquoi Mdvanii est, et n’est pas… une poupée.
William Ewing
Directeur Musée de l'Elysée, Lausanne, Novembre 2007.
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