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LA GARDE ROBE DE MDVANII
1989-1992
Le nec plus ultra des poupées de modes
Quoi de plus excitant que la haute couture à Paris? Cette question pour le moins ingénue était posée en anglais et avec humour dans le premier catalogue de Mdvanii. Allant droit au but, elle était certainement appropriée pour Mdvanii, présentée comme le nec plus ultra des poupées de modes. Mais, détail important, Mdvanii s'adressait à un public adulte et non à des enfants, marquant ainsi encore plus nettement sa différence.
Conçus dans l’esprit et la tradition de la haute couture française, les vêtements de Mdvanii se voulaient exécutés avec le même souci d’exigence et de perfection. Dès le départ, et en dépit des innombrables difficultés rencontrées par une telle miniaturisation, les tenues de Mdvanii furent d'une qualité unique, tant par leur style que par leur réalisation. Le but recherché était de créer de véritables vêtements miniatures. Toujours doublés de soie (même les pantalons et les manches des veste, pas plus larges qu'un stylo à bille). Chaque élément portait la griffe de Mdvanii sur laquelle était inscrit, à la main comme en haute couture, le numéro de référence du modèle. Les tissus privilégiaient les matières luxueuses et raffinées telles que la soie, le taffeta, la mousseline mais aussi les laines, les cotons, les tissus haute couture anciens ou contemporains, à l’exclusion de toute matière synthétique, à part quelques exceptions.
Le soin apporté au détail se voulait poussé au maximum, et il fut sujet à une remarquable évolution dans la précision. A-t’on idée de l’incroyable prouesse que représente la simple exécution d’une minuscule manche de veste doublée de soie? Impossible n’est peut-être pas un mot français, mais beaucoup d’insistance et de persuasion ont été nécessaires pour vaincre, au départ, les réticences des couturières... L’ensemble donnait la sensation privilégiée de contempler une haute couture pour poupées, ce qui n’avait pas été vu depuis des lustres, peut-être même depuis ceux du Second Empire avec les somptueuses poupées parisiennes de Bru et Huret.
Le catalogue ultra chic de Mdvanii, de 31 pages, orné du magnifique portrait-silhouette de René Gruau en couverture, annonçait pas moins de 16 tenues principales, présentées dans des boites “Deluxe Edition” avec de nombreux accessoires d’un raffinement exquis. Les dessins, à l'encre et gouache, sont exécutés par le talentueux artiste peintre et illustrateur américain Clyde Smith et Bettina, mannequin de légende, prit elle-même gracieusement la pose pour insuffler l'esprit de Paris à chacune des silhouettes.
Mdvanii y dévoilait une vie sociale bien remplie, un véritable tourbillon qui ne lui laissait guère le temps de rester oisive, c'est le moins que l'on puisse dire: cocktails et rumba (Dolce Vita), grande première à l’ opéra (Loge à l’opéra), bal d’été (Monaco), un pique-nique de bienfaisance quelque peu décalé (A la campagne), un vernissage (Galerie d’art d’avant-garde), une petite envie d’antiquités (Chez l’antiquaire), un déjeuner au Ritz (Rendez-vous pour déjeuner), un peu de shopping (Faubourg Saint-Honoré), une flânerie rêveuse (Sur les quais), une petite pause (Café à la terrasse), un arrêt chez le fleuriste (Place du Palais Bourbon), une tenue d'intérieur ultra chic (Mon boudoir), cocktail -encore! - (Ma petite folie), soirée à l’ambassade (Réception mondaine), gala de bienfaisance - encore! - (Marquise des anges), bref, une vie exténuante qui peut vite tourner au véritable cauchemar si, par malheur, vous n'avez pas:
1) la garde-robe appropriée
2) un sens inné de la répartie
3) de bonnes chaussures!
Il va sans dire que Mdvanii avait tout cela, et même plus: un pygmalion, que dis-je, deux, avec une vision, un sens de l’humour à toute épreuve et l'extraordinaire vitalité de la jeunesse.
La Boutique Galerie de Mdvanii -Sumiko Watanabe et Bettina Graziani
Bon de commande pour Mdvanii 1989
Mdvanii, cover story, USA
Mdvanii "Corolle", SW Japan Exclusive
VOGUE, Paris
GLAMOUR
Plateau de Rai Uno, Cinecittà, Italie
Mdvanii et Surreal Bijoux - vitrine de la Boutqiue Mdvanii, Rue de Cherche-Midi, Paris
"Luxe, Luxe, Luxe!"
La première Mdvanii en résine fut la Basic Dress Up”-able, la poupée “basique” à habiller, qui était simplement vêtue d’une gaine stretch (et pourtant elle avait la taille suffisamment fine pour pouvoir s’en passer), de chaussures noires et de sa perruque griffée Alexandre de Paris. Mdvanii était présentée comme une poupée de modes et le catalogue offrait une infinité de combinaisons possibles avec les exquis Separates, les coordonnés de toutes sortes de la Garde-robe. On y trouvait des tenues de jour et de détente, comme Mon Yacht, un caban très Yves Saint-Laurent avec de vrais pantalons à pinces et à revers, Tuileries et Plein soleil, des robes de cocktail comme Vernissage et des tenues pour le soir comme Sortilège, une robe de sirène très froufroutante en satin rose, argent ou bleu nuit pour les nuits capiteuses d’une beauté enchanteresse. Tout un programme! On pouvait aussi bien craquer pour aussi une petite tenue très Saint-Germain-des-Près mythique, parfaite pour aller s’encanailler rue de Lappe: une robe moulante en jersey noir avec foulard rouge noué autour du cou et béret assorti, des bas noirs et une “petite veste rouge toute simple”.
Les coordonnés proposaient une infinités de combinaisons possibles avec de petites blouses doublées de soie, des vestes cintrées, des pulls tricotés-main, des manteaux ligne trapèze avec de grandes poches spacieuses ( toujours très Saint-Laurent. Les accessoires n’étaient pas en reste, puisqu’il était proposé un grand choix de gants, chapeaux, sacs, bas, pour le jour comme pour le soir. Un véritable délire, une exécution plus proche du chef-d'oeuvre d'artisans que d'une quelconque panoplie de poupée de collection, un privilège confidentiel. Vous avez dit “Luxe”?
La garde-robe de Mdvanii a toujours exprimé une conception du style et d'exclusivité relativement élitiste, tout à fait unique dans le contexte de l’époque , se plaçant dans la continuité de tradition dans l’histoire des poupées de modes chère à BillyBoy*. De 1989 à 1992-93, elle fut uniquement disponible dans des boutiques sélectionnées aux USA, en Angleterre, chez LIBERTY à Londres, au Japon par SW Japan, à Montreal au Canada et, bien sûr, dans la propre boutique-galerie de Mdvanii à Paris. Chaque "selected dealer" avait ses propres modèles exclusifs, que l’on ne pouvait trouver nulle par ailleurs que chez lui. Les séries limitées ne dépassaient pratiquement jamais 25 exemplaires de chaque. Le prestigieux magasin F.A.O. Schwarz, qui se trouve en face du Plaza à New York, eut toute une série de modèles exclusifs, mais aussi quelques Mdvanii pièces uniques, aux robes entièrement brodées absolument splendides, pièces de prestige qui étaient vendues 3000 dollars dans leur Deluxe Giftsets, une somme réservée à l’époque aux poupées anciennes rarissimes.
Tous ces modèles et ces ensembles, au raffinement très sophistiqué, exprimaient en miniature l’essence même de l’élégance et du luxe. Rien ne pouvait leur être comparé, de près ou de loin. Car Mdvanii ne se contentait pas d’être la plus sophistiquée des poupées de modes, elle renvoyait toutes les autres poupées-mannequins à leur réalité commerciale toute synthétique. Avec Mdvanii, une robe du soir n’avait pas besoin d’être dégoulinante de fausses perles (le très-américain syndrome du “dripping in faux-pearl”, expression incontournable dans toute production commerciale aux USA), elle rappelait que l’allure n’est pas synonyme de tape-à-l’oeil. Elle s’appuyait pour cela sur une vision de la haute couture française, à la fois idéalisée et intemporalisée, en proposant non pas des pastiches mais de vraies créations, un ton plein d’esprit, ainsi qu’un grand souçi du détail. Le résultat, toujours étonnant, exprimait une réelle préocupation de cohérence entre le propos et sa matérialisation, allant à l’encontre d’une quelconque vulgarisation du concept de haute couture.
L'idée d'une haute couture intemporelle et sublimée
Si l’on se réfère à la page 15 du catalogue de F.A.O. Schwarz de 1991, on peut tout de suite constater à quel point les trois Mdvanii qui y sont représentées tranchent avec leurs consoeurs (sans jeu de mots) de fabrication industrielles. Les trois Mdvanii Notre Dame, Champs Elysées et Tour Eiffel expriment toutes une idée très personnelle de l’élégance mais aussi un choix de mode: les tissus utilisés (shantung silk, jersey et tweed!), le grand chapeau cloche de style Balenciaga, les gants blancs, les ceintures, l’association des couleurs, les bijoux, chaque détail est une prise de position, un fashion doll statement. En comparaison, sur la même page, la poupée Cissy de Madame Alexander, habillée pour l’occasion par le couturier américain Arnold Scaasi, ressemble à une houpette synthétique qu’on peut allumer en tirant une ficelle cachée sous sa jupe, comme ces abat-jours d’avant-guerre. Voilà pourtant ce qui était proposé aux collectionneurs à la même époque. Pauvre Cissy! On aurait du te laisser tranquille dans son époque, les années cinquante, quand on te trouvait si mignone et que tes jupettes à la Doris Day faisaient fureur... Vous en voulez plus? En page 3, on peut voir Night Sensation Barbie... cela se passe de commentaires.
Tout ceci démontre qu’une poupée-jouet pour enfant appartient avant tout à un autre univers et qu’il faut parfois un petit peu plus qu’un nom célèbre ou une équipe de stylistes dans un bureau d’études de compagnie commerciale pour donner une crédibilité haute couture à un produit de masse. La vulgarisation du concept de haute couture associée aux exigences commerciales liées à un public de plus en plus jeune, tous deux liés aux impératifs de la rentabilité, ont souvent eu comme résultat une quantité effarante de produits affreusement laids.
Dans ce contexte, Mdvanii, qui s’adressait avant tout aux adultes et s’attachait à l’essence de la mode, était forcément atypique. Vouée à déchainer les enthousiasmes aussi excessifs que l’incompréhension totale, voire même le rejet, elle représentait une révolution à elle seule, dont les effets seraient visibles des années, voire des décennies après. Ce n'était pas une poupée rétro car elle n’exaltait pas le passé, mais le sublimait avec humour et décalage. Elle n’était pas nostalgique, elle utilisait un langage esthétique de façon contemporaine en s'appuyant sur une tradition, celle de l'histoire de la haute couture française. Mdvanii était avant tout une création d’artiste(s), avec une cohérence réelle entre son discours et sa réalité.
Si la mode recycle contament le passé, lorsque celui-ci devient une recette nostalgique, particulièrement dans le domaine des poupées de modes ou autres, cela n’est plus que kitsch et sentimentalisme. On ne peut que se rendre à l'évidence que cela n’était pas le propos de Mdvanii, loin de là.
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