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Louis-Ferdinand Reversi
L'Espace ARTsenal à Delémont doit son nom à l'ancien arsenal réhabilité en espace culturel.
"MAISON MDVANII"
« Cette exposition est une manière de carte de visite : comme nous avons choisi de nous établir définitivement à Delémont avec entre autre le projet d’y créer un musée, nous avons voulu présenter un petit aperçu de notre production artistique personnelle qui s’étale sur près de quarante années » déclarent les artistes. « Le titre Maison Mdvanii est une référence à clefs multiples :
- à la maison de haute couture parisienne tout d’abord, institution historique mythique et univers iconique qui est à l’origine de la collection de BillyBoy* et de la genèse de Mdvanii, poupées de modes haute couture à ses débuts .
- au mouvement américain du Vogue-ing (que l’on a aussi appelé « Ballroom Culture») inventé par les drag queens aux USA, typique de la culture afro-américaine et latino des années 80 et 90, avec leurs défilés parodiant l’élégance française dans une surenchère d’attitude « fierce » et leur corrélatif de DJs, de musique nouvelle « techno et électro »
- enfin à la maison au sens propre du terme. De fait, nous avons choisi d’y installer nos meubles et objets personnels et de les peindre en blanc pour une scénographie qui saisit le spectateur instantanément. »
BillyBoy* & Lala, mai 2012
"Tous les ismes sont des constructions"
GEORGE BRAQUE
Magie Blanche et Mdvaniiismes
par Louis-Ferdinand Reversi
Pour leur huitième exposition en Suissse BillyBoy* & Lala a investi l'espace ARTSENAL à Delémont, capitale de la République et du canton du Jura, où ils ont élu domicile en aout 2011.
Cette nouvelle exposition intitulée "Maison Mdvanii de BillyBoy* & Lala - Oeuvres choisies 1989-2012"" propose une sélection d'oeuvres variées autour de la création Mdvanii ("prononcer Mid-vah-ni"indique le flyer) du nom de leur égérie qui fut la première poupée de modes créée uniquement pour les adultes en 1989 et qui a aussitôt évolué en un discours artistique multiforme.
L'affiche de l'exposition rend hommage au célèbre illustrateur de modes René Gruau qui immortalisa, dans son style reconnaissable entre tous, la silhouette de Mdvanii avec ses couleurs fétiches: le noir, le turquoise, le blanc et enfin, le rouge de ses lèvres.
Le décor de l'exposition, entièrement blanc, à la fois futuriste et surréaliste s’impose comme une réflexion sur l’accumulation et le devenir des objets survivants à tant de déménagements, ayant tous appartenu aux artistes et fait partie de leur vie: table et chaises Art-Déco, tapis, fauteuils de style, canapé, lit de repos, vieille radio à ampoules, lampadaire, livres, chapeau, cannettes de boisson énergétique RedBull, bouteilles de Coca Cola ou de Champagne : tout est peint en blanc mat .« Chacun de ces objet incarne un fragment de notre vie. Très souvent, les meubles et objets ont eu une histoire avant nous et quelquefois en auront une après, car presque tout finit au marché au puces un jour ou l’autre. Ceux-là ne servent plus à rien, il sont simplement devenus des œuvres d’art ». « Les objets attendent simplement leur heure, ils ont tout le temps devant eux. Ils sont votre miroir » dit Lala, qui ajoute : « Il y a même mon chapeau fétiche et le tablier que j’ai utilisé pendant trente années, magnifiques ! »
Et voilà donc un « mdvaniiisme » - attention trois « i » !- « Le mdvaniiisme c’est la version 21ème siècle d’un ready-made de Marcel Duchamp, mais en mieux. » dit BillyBoy*. Pourquoi ? « Un mdvaniiisme n’est pas un objet impersonnel comme la fameuse cuvette de wc de Duchamp rendue stimulante intellectuellement par le coup de baguette magique de son génie provocateur. C’est, au contraire, tout objet ou concept extérieur à Mdvanii elle-même que nous avons « glamorisé » dans le sens fort du terme, investi de magie blanche ».
De fait, chaque objet présent dans cet espace, détourné de son utilité originale, comme des ossements blanchis au soleil, semble avoir accédé à un no-man’s land ou paradis blanc qui lui confère une dimension métaphysique : il devient pour les artistes un objet de désir, chargé de pouvoirs, qui sert d’écrin au monde onirique de Mdvanii, la muse, l’inspiratrice.
Les photographies mettent en scène les poupées qui quittent ainsi leur statut de sculpture pour prendre la pose, des poses, troublantes d’humanité et d’une allure folle. Elles font écho aux photographies de mode de vêtements de haute couture d’Elsa Schiaparelli de la collection personnelle de BillyBoy*, portée par des femmes d’aujourd’hui : Elena Montessinos, artiste genevoise ou Celia von Bismark, la regrettée ambassadrice de la Croix Rouge. Ces tenues historiques d’avant guerre d’un chic fou y gagnent une stupéfiante modernité.
Pour George Braque «Tous les ismes sont des constructions», et cette théorie s'applique parfaitement au concept de mdvaniiisme: sous cet éclairage, le terme n'apparaît plus comme une seule vue de l'esprit, une définition de genre, mais bel est bien comme l'évolution naturelle d'un discours artistique issu de l'oeuvre Mdvanii. De fait, chaque pièce, partie intégrante de la scénographie, devenue un mdvaniisme, acquiert, aux yeux des artistes, le statut artistique et symbolique des oeuvres elles-mêmes, qui sont aussi des mdvaniismes: sculptures, photographies, tableaux, sérigraphies, bijoux.
Les visiteurs qui ne connaissent pas encore l’univers de BillyBoy* & Lala sont saisis par le dynamisme et l’étendue de leur créations. Comme le temps de l’exposition est très court (trois semaines, et elle se terminera en même temps qu’Art Basel), attention à ne pas égarer cette "carte de visite" en bristol blanc sur votre guéridon design (bientôt repeint en blanc).
"Sainte Glamour", Mademoiselle Mdvanii, 2006. "L'Oracle", Mdvanii porcelaine, 2007, collection Mudac, Lausanne.
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